EMBOLIE PULMONAIRE


Présentation clinique
- douleur latérothoracique de type pleural
- douleur projetée (épaule, hypochondre)
- fièvre (souvent modérée)
- hémoptysie
- dyspnée isolée (brutale mais parfois progressive voir hypertension pulmonaire postembolique)
- palpitations, tachycardie, arythmie cardiaque
- état de choc, syncope, lipothymie
- mort subitz
Examens de base :
- gaz du sang : hypoxémie, hypocapnie (des valeurs normales n’excluent pas l’E.P.)
* normo ou hypocapnie en cas de décompensation aiguë d'une insuffisance respiratoire chronique
* hypercapnie associée à une hypoxémie sans modification de la ventilation minute chez le patient sous ventilation mécanique
- RX thorax : le plus souvent normale
- ECG : tachycardie sinusale

Rechercher les facteurs de risque : voir facteurs de risque de thrombose

Signes de gravité
Il faut distinguer le tableau clinique selon les signes de gravité dont la présence fera suspecter une obstruction vasculaire : RC > 110/min; lipothymie; agitation, torpeur; angoisse; PaO2 < 60 mmHg; douleur thoracique rétrosternale.
Sont des signes de gravité extrême avec risque de mort imminente : syncope ; choc cardiogénique; collapsus avec TAS < 80 mmHg; signes d’insuffisance ventriculaire droite; FR >30/min.

Diagnostic: par étapes

1. Evaluer la probabilité clinique :
Déterminer la probabilité clinique : score révisé de Genève
- probabilité faible (<10%) : 0-3
- probabilité intermédiaire (30 à 40%) : 4-10
- probabilité élevée (>60%) : 11 et plus

2. Doser les D-dimères (fragments issus de la dégradation de la fibrine par la plasmine)
si négatif (<500µg/l) : embolie pulmonaire très peu probable (<1%) sauf score de probabilité clinique élevé

3. Examens d’imagerie
- échographie veineuse (proximale) des membres inférieurs
- scintigraphie pulmonaire V+P : examen de choix en cas d'allergie aux produits de contraste iodés, d'insuffisance rénale, de traitement par biguanides, de myélome (<10% des cas).
* haute probabilité : une ou plusieurs lacunes de perfusion larges, 2 ou plusieurs lacunes de perfusion moyennes, normalement ventilées
* basse probabilité : petite(s) lacune(s) de perfusion normalement ventilées, lacune(s) de perfusion hypoventilées
* probabilité intermédiaire : lacune moyenne de perfusion normalement ventilée, anomalie de ventilation diffuse à tout le poumon
* normale
- angioscanner spiralé (multibarette) : examen de référence

4. Rapports de vraisemblance
RVP (positif) : proportion des tests positifs chez les malades sur celle des tests positifs chez les non-malades
RVN (négatif) : proportion des tests négatifs chez les malades sur celle des tests négatifs chez les non-malades

Test

Rapports de vraisemblance

positif

négatif

VP/FP

FN/VN

Se/1-Sp

1-Se/Sp

D-Dimères

1,5 – 2,5

0,13

Angioscanner spiralé

21

0,1

Scintigraphie pulmonaire

- normale

- faible probabilité

- probabilité intermédiaire

- forte probabilité

 

0,05

0,36

1,2

18,3

 


5. Algorithmes basés sur la probabilité clinique
probabilité post-test (a posteriori) déterminée par le nomogramme de Fagan
A. En utilisant l'angioscanner spiralé multibarette
1. Probabilité clinique faible ou modérée
faire D-dimères :
- si < 500 : embolie pulmonaire très peu probable
- si > 500 : voir probabilité clinique forte
2. Probabilité clinique forte : faire scanner spiralé
- thrombus segmentaire : embolie pulmonaire
- normal : diagnostic peu probable sauf si probabilité clinique forte où faire échographie veineuse proximale des MI

B. En utilisant la scintigraphie pulmonaire
1. Probabilité clinique faible ou modérée
faire D-dimères :
- si < 500 : embolie pulmonaire très peu probable
- si > 500 : voir probabilité clinique forte
2. Probabilité clinique forte : échographie veineuse des MI
- thrombose veineuse proximale : traitement
- normale : faire scintigraphie pulmonaire
3. Scintigraphie pulmonaire
- haute probabilité : traitement - normale, faible ou indéterminée avec probabilité clinique faible : diagnostic très peu probable
- indéterminée avec probabilité clinique modérée ou forte : faire angioscanner
4. Angioscanner : thrombus = diagnostic

6. Suspicion d'embolie pulmonaire massive (grave)
État de choc obstructif, hypotension, insuffisance cardiaque droite
- échographie cardiaque transthoracique : HT pulmonaire, dilatation des cavités droites (rapport des diamètres télédiastoliques VD/VG > 0,6), compression du ventricule gauche, refoulement diastolique du septum interventriculaire, éventuellement présence d'un thrombus dans l'artère pulmonaire.
- gaz du sang : hypoxémie, hypocapnie
- RX thorax : peu parlante
- ECG : tachycardie, SI QIII TIII, BBDr


Traitement

I.Suspicion d'embolie pulmonaire non massive (< 50% d’obturation vasculaire, sans signes cliniques de gravité) : éviter les actes invasifs (au cas où une fibrinolyse serait nécessaire)
- repos au lit le 1er jour puis lever précoce avec contention des MI
- NACO (apixaban) ou  héparine de bas PM : InnohepR (tinzaparine) ou ClexaneR (énoxaparine)
La tinzaparine, par rapport à l'héparine non fractionnée, est associée à une surmortalité chez le patient âgé > 70 ans insuffisant rénal.
- dans les cas critiques (avec nécessité de pouvoir rapidement arrêter ou antagoniser l'anticoagulation) : héparine i.v. 5.000 U en charge puis 25.000 U/24h à adapter à l'aPTT - TCK (2 à 3 x le témoin) et suivre le taux de plaquettes 2x/sem (risque de thrombopénie induite par l'héparine)
! contre-indications absolues à l’héparine: hémorragie; AVC hémorragique récent (<2 sem); intervention neurochirurgicale ou oculaire récente (<3sem); thrombopénie non corrigée (<50.000/mm3); antéc. d’accident immunoallergique à l’héparine; trouble sévère de l’hémostase
- en cas de CI à l’héparine : filtre cave (après phlébographie)
- relais par les anticoagulants oraux : dès le 2e jour d’héparine (si le relais ne se fait pas par HBPM s.c., avec un chevauchement d'au moins 3 jours), pour une durée totale de 3 mois
- en cas de thrombopénie induite par l'héparine: lépirudine iv continu (RefludanR) ou dapanaroïde sodique sc(OrgaranR)

II.Suspicion d'embolie pulmonaire massive (grave) (présence de signes de gravité suggérant une obstruction vasculaire > 50%) :
a. mesures générales :
- oxygène : 4 à 6 l/min (objectif: SpO2 > 90%)
- analgésie : morphine i.v. (1 mg/h)
- ventilation mécanique si arrêt cardiaque, détresse respiratoire ou état de choc persistant sous traitement médical, trouble de la conscience.
- en cas d'hypotension : expanseurs et dobutamine ( à 15 µg/kg/min (si persistance: noradrénaline 0,1 µg/kg/min à augmenter selon réponse clinique)
- éviter les actes invasifs (si nécessaire: préférer la voie veineuse fémorale)
- éviter diurétiques et vasodilatateurs
b. fibrinolyse
- indications : embolie pulmonaire massive avec signes de surcharge droite (cœur pulmonaire aigu) et instabilité hémodynamique (hypotension artérielle ou signes périphériques de choc), ou avec thromboses veineuses majeures ou avec déficience en ATIII, protéine C ou protéine S
- contre-indications absolues : manifestations hémorragiques en cours ou très récentes, hémorragie intracrânienne récente
- contre-indications relatives: interv. chirurgicale récente (< 10 j)ou neurochirurgicale (< 1 mois); AVC ou interv. neurochirurgicale < 2 mois; hémorragie digestive < 10 jours; examen invasif < 10j : artériographie, biopsie hépatique ou rénale, ponction veineuse sous-clavière, ponction pleurale, ponction lombaire, KT artériel, réanimation cardiorespiratoire; HTA sévère ( > 180/110 mm Hg); traumatisme récent(< 15 jours);endocardite bactérienne; plaquettes < 100000/mm³
- rtPA (ActilyseR) : 100 mg en infusion i.v. de 2 heures, avec relais à l’héparine dès que aPTT < 2 x N et fibrinogène >100 mg/100ml
en cas d’hémorragie : acide tranéxamique (ExacylR) 25mg/kg p.o. toutes les 6 heures
effets secondaires : nausées, vomissements, douleurs abdominales, diarrhée ; exceptionnellement thromboses
autres indications : hémorragie digestive, urinaire, orale, sur thrombopénie
c. interruption cave (filtre cave percutané) : en cas de contre-indication formelle à tout traitement antithrombotique curatif ou lors de la survenue d'une embolie pulmonaire sous traitement antithrombotique
d. embolectomie chirurgicale: en cas d’échec ou de contre-indication à la thrombolyse ou en cas de ressuscitation après arrêt cardiaque
e. héparine non fractionnée i.v.  dans les autres cas (schéma : cf supra)